Ailes de cendre

[…], le sang rose des arbres verts

— Rimbaud, Soleil et chair.

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J’aurais pu passer ma matinée à farfouiller dans le buffet de Rimbaud, mais le devoir m’appelait et c’est peut-être précisément de ne pas avoir toute ma journée à lui consacrer qui le rendait encore plus attrayant.

Le buffet

C’est un large buffet sculpté; le chêne sombre,
Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens;
Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre
Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants;

Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries,
De linges odorants et jaunes, de chiffons
De femmes ou d’enfants, de dentelles flétries,
De fichus de grande-mère où sont peints des griffons;

– C’est là qu’on trouverait les médaillons, les mèches
De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches
Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.

– Ô buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,
Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis
Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires.

—  Arthur Rimbaud, Poésies, octobre 1870.

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Joseph Joubert dans ses Pensées note que les papillons qui n’ont pas de couleur sont laids. Je les trouve beaux pourtant ces êtres de nuit aux ailes de cendre dans leur vol ivre vers la lumière.